De notre passé inachevé naissent des lendemains incertains. Et pourtant ? Combien de chapitres de ma vie n’ai-je pas clôturé ? Dois-je m’atteler à la tâche pour sécuriser les jours à venir ? Je préfère laisser des portes entrouvertes, incertains ne veut pas dire sans belle surprise… Puis il était un passé qu’il était impossible à achever, mon passé avec toi à mes côtés. Je crève d’espoir de te revoir autant que je survis depuis ton départ. La survie parlons-en ! Peut-on appeler cela une survie quand je me meurs dans nos souvenirs, dans mes souvenirs. Y a-t-il seulement une once de vie quand accrochée au temps j’attends ton retour ? J’erre dans les rues en dessinant sur chaque ombre que je croise ta silhouette. Chaque parfum me rappelle le tiens, chaque son est une octave de ta voix grave qui emplissait, le soir venu, mes tympans quand ton corps surplombait le miens. J’aimais sentir ton poids écraser mon corps frêle, bizarrement je me sentais légère.
– Mon téléphone bipe – Ton prénom – Mon cœur qui s’accélère – Je ne suis pas morte –
«Rejoins moi rue de notre premier baiser, le jour précis où nos lèvres avaient fait connaissance» lisais-je.
Il me fallut plus d’une lecture pour que la réalité prenne toute sa place.
En ce dimanche matin, dimanche 06 Mars, 6 ans jour pour jour après ce fameux premier baiser je suis rue de la Prairie à l’attendre. Je souffle sur mes doigts qui ne cessent de geler. Mes yeux scrutent les alentours et sont témoins de la vie de ce quartier. Un couple promène leur enfant tout juste né, une vieille femme entre dans la boulangerie acheter sa douceur dominicale et un homme entretien son corps d’éphèbe en courant sur les pavés parisiens.
- Bonjour Chloé
Mon cœur manque un battement
– Sa voix – Celle qui tant de fois m’avait fait jouir – C’était lui, c’était moi, c’était à nouveau nous –
Je me retourne, il est à moins d’un mètre de moi et je me retiens de m’aimanter à son corps. Il porte un jean bleu foncé, des chaussures en daim et un long manteau Camel. Il est plus beau que jamais. Il me sourit avec douceur et j’ai l’impression de fondre.
- Je suis content de te voir tant je le voulais sans oser l’espérer.
- Je ne sais si je peux en dire autant Hugo tant tu m’as fait mal, mais bizarrement je suis aussi contente de te voir.
Il m’invite à m’asseoir à la petite table d’une brasserie qui faisait l’angle de la rue. Il commande sans que je n’ai lu l’intégralité de la carte.
- Un capuccino avec un nuage de cacao en poudre et un café crème s’il vous plaît ! lance-t-il au serveur.
- Tu prends toujours ton cappuccino ainsi ? me demande-t-il
Je n’ose pas lui avouer que depuis son départ je ne bois plus de cappuccino car cela me rappelle sans cesse notre merveilleux weekend milanais où il m’avait fait découvrir ce breuvage sucré.
Je ne réponds pas et le regarde. Il soutient mon regard en esquissant un léger sourire, le même qui m’avait séduit 6 ans plus tôt.
- Pourquoi m’a tu donné rendez-vous Hugo ? lui lancé-je plus froidement que je ne l’aurai voulu
- Il fallait que je te parle et que je t’explique…
- M’expliquer quoi ? Que tu es partit il y a maintenant 2 ans, du jour au lendemain sans explication ? Crois-tu que j’attende toujours tes explications ?
- Je le pense oui sinon pourquoi es-tu venue aujourd’hui ?
- Hugo ne joue pas à ce jeu !
- Chloé, laisse-moi m’expliquer et après tu tireras tes conclusions.
Le serveur nous apporte nos boissons et Hugo boit une grande gorgée de son café crème. Je prends la tasse dans mes mains sans boire mais juste pour réchauffer mes doigts toujours gelés.
- Il y a deux ans j’ai reçu un appel qui m’a bouleversé et c’est tout mon passé qui ressurgissait. Tu sais à quel point ce passé était lourd. Je t’aimais trop pour te faire peser ce poids alors j’ai préféré te faire mal par mon absence que par ma présence…
- J’aurai préféré que tu me laisses choisir la peine à porter et non que tu fasse ce choix pour moi
- …je suis navré Chloé crois moi ! Il n’est pas un seul jour où je n’ai pas pensé à toi.
Je manque de m’étouffée en entendant ses mots.
- Hugo que veux-tu ?
Il se lève brusquement, m’attrape par le bras et m’emmène dans les toilettes de la brasserie. Il verrouille la porte. Il s’approche de moi, plaque ses mains sur mes joues et m’embrasse sensuellement. Je le retrouve tellement en ce baiser. Il y a comme une urgence dans ce baiser. Il me soulève et m’assoit sur le lavabo, soulève ma jupe, descend mon collant et fait disparaître sa tête entre mes cuisses. Je m’agrippe aux rebords du lavabo pour ne pas tomber. Il me lèche encore et encore. Lorsqu’il refait surface il baisse son pantalon d’où il en sort un préservatif. Il l’enfile et me pénètre tout aussi doucement et sensuellement que ses baisers avait honoré mon intimité. Il me fait l’amour durant de longues minutes. Je pourrais rester ainsi des heures, malgré le côté très inconfortable de mon assise. A cet instant nous sommes juste lui et moi contre le reste du monde. C’est si bon de le retrouver.
Nous nous rhabillons savourant encore mentalement nos retrouvailles aussi sensuelles qu’avait été notre première fois en ce même endroit.
Hugo me regarde et reprend son discours en répondant à ma question :
- Aujourd’hui, j’ai clôturé mon passé et je veux construire mon avenir…avec toi
Je le regarde hébétée.
- Chloé veux-tu m’épouser ?
A nouveau mon cœur manque un battement et mes yeux s’écarquillent tels ceux d’un hibou en pleine nuit.
- Je sais ce que je te demande, je ne conçois pas mon avenir sans toi. Tu es mon tout et je veux que tu sois mienne jusqu’à ce que la mort m’emporte en mes vieux jours.
- Hugo…je…comment…
Je n’arrive pas à aligner trois mots de suite et un seul vient à moi : « OUI ».
Je lui saute au cou et l’embrasse comme pour confirmer ma réponse aussi prompte qu’inattendue.
Nous revenons à notre table comme si de rien n’était. Seuls nos sourires peuvent trahir nos ébats ou notre nouvelle décision.
Je le vois sourire et sortir de sa poche de manteau un écrin contenant cette bague que j’avais repéré aux puces de Saint Ouen.
- Tu t’en es souvenu ? lui dis-je émue
- Je l’ai acheté le jour de mon départ avec l’espoir qu’elle orne un jour ton doigt.
Il se lève, me passe la bague qui encercle à présent mon annulaire gauche et m’embrasse. Notre baiser est fougueux, passionné comme il y a 6 ans à ce même endroit….
Il y a des chapitres qui parfois ne se clôturent pas pour une bonne raison, une belle surprise.