La question de la possibilité d’une amitié homme/femme est récente car l’idée même d’une amitié mixte était autrefois inconcevable. En effet, auparavant, les hommes et les femmes vivaient dans des univers séparés sans lien ormis celui du couple. Il faut attendre la généralisation du travail des femmes et la mixité scolaire pour que ces rapports soient bousculés. Mais la génération, notre génération, ma génération a toujours connu la mixité et la vit aujourd’hui comme une évidence sans que ne se pose la question du désir sexuel.

Le désir sexuel naît de la différence, tandis que l’amitié se nourrit de similitudes.

Un ami c’est quelqu’un qui connaît tout de nous, qui nous connaît par cœur et à qui nous disons tout. Avec un ami, nous jouons la tendresse, la proximité et nous essayons de sortir du champ du sexuel pour ne pas risquer de tout compromettre. Mais qu’en est-il du désir si cet ami est du sexe opposé? Le désir est-il pour autant absent?

En tant qu’être humain nous aimons les situations claires c’est-à-dire soit il y a du désir soit il n’y en a pas. Mais il me semble que c’est plus subtile que cela. Souvent un jeu de séduction s’installe entre un homme et une femme amis sans que cela ait de conséquences sur leur relation. Pour ma part, j’aime que mon meilleur ami remarque ma nouvelle tenue ou me complimente et je sais que nous savons tout ou presque l’un de l’autre sauf comment nous faisons l’amour. Nous aimons jouer avec cela tout en sachant qu’il ne se passera jamais rien. Je pense que cette situation ambiguë aux yeux de tous mais claire à nos yeux fait le charme et la richesse de notre amitié.

Nous sommes des hommes et des femmes et nous avons besoin qu’une personne autre que notre partenaire porte un regard sur nous. L’attirance est là, c’est indéniable mais elle reste contenue pour pouvoir laisser place à une belle amitié.

Mais cette amitié n’a pas les mêmes enjeux que l’on soit célibataire ou en couple. Dans le deuxième cas des tiers entrent forcément dans la danse : les conjoints. Même si la tromperie est redoutée c’est surtout une trop grande amitié qui est craint par les conjoints. L’ami profite de nos meilleurs côtés : l’humour, la joie de vivre, la légèreté sans désagrément alors que notre conjoint doit composer, lui, avec nos mauvais côtés. Frustant non ?!

Il est fort possible que ceux qui se méfient de l’amitié mixte soient ceux qui ne voient l’autre sexe que comme un objet de désir.

Beaucoup ne comprennent pas cette amitié et souvent j’entends que, pour eux, jouer avec cette idée d’une amitié homme/femme est une trahison vis-à-vis de son conjoint. Je ne le pense pas. Il ne faut pas s’interdire cette amitié ! Il faut avoir confiance en soi, confiance en son couple, confiance en son ami. Autorisez-vous  à être heureuse entourée de deux hommes qui vous guident, vous réconfortent, vous épaulent  et vous apprécient à leur manière.

Parce qu’il est présent, le désir peut faire peur. Peur de se laisser déborder sexuellement. Ce désir nous attire et nous effrai. Et c’est sans doute pourquoi beaucoup le fuit en refusant une amitié mixte. Mais moi j’y vois une force, une énergie qui ne s’exprime pas dans l’acte sexuel mais dans une complicité, un échange intellectuel fort, une liberté de penser et d’agir. C’est là une richesse dont il ne faut pas se passer.

Mais le maître mot de tout cela est la communication. La communication vis-à-vis de son conjoint et de son meilleur ami. Ne cachez rien ! Dites à votre conjoint que oui ce soir vous passez une soirée avec votre meilleur ami. Ne laissez pas la place aux doutes, aux soupçons, aux films, dites clairement les choses. Il n’y a pas pire traitre que l’imaginaire dans une telle situation. Soyez également honnête avec votre ami en posant les limites et en jouant carte sur table. Vous verrez que lorsque les choses sont dites et claires des deux côtés il n’y a aucune barrière à entretenir une amitié forte avec un homme bien au contraire…

« Pourquoi la plus douce amitié est-elle celle qui lie les personnes d’un sexe différent ? C’est que cette amitié est toujours, à notre insu, parfumée d’un peu d’amour. »
Citation de Auguste Guyard; Quintessences (1847)